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Expériences novatrices – l’intergénérationnel dans l’univers professionnel

L’évolution démographique et ses conséquences pour la politique du personnel étaient placées au centre des conférences et débats lors de la troisième édition du Forum «Brüchiger Generationenkitt? Generationenbeziehungen im Umbau». De nouveaux paradigmes professionnels et la question de l’optimisation du transfert des savoirs d'une génération à la suivante ont fait prendre conscience des possibilités mais également des conflits potentiels en la matière.

Par Anina Lauber et Maja Hornik, Forum für Universität und Gesellschaft de l’université de Berne

La guillotine de l’âge mise en question

«Il ne faut pas perdre de vue les savoirs fondés sur l’expérience», explique le professeur Paul Messerli au début de sa présentation. Et le professeur Norbert Thom, dans sa contribution sur les générations dans l’univers professionnel, renchérit en précisant qu’il est important d’employer à bon escient ces savoirs. Le professeur Thom défend l’idée d’une gestion intergénérative des ressources humaines, un management du personnel donc qui prenne en considération les besoins spécifiques des collaborateurs en fonction de leur âge. Des équipes dans lesquelles sont représentées plusieurs générations et l’échange intergénératif d’expériences qui en résulte sont, à présent, des réalités dont doit impérativement tenir compte la politique du personnel – que ce soit dans le secteur public ou privé, dans les grandes sociétés ou les PME. Pour la première fois dans l’histoire, deux ou trois générations sont simultanément présentes sur le marché du travail. Les baby-boomers y sont confrontés aux générations X et Y. Or, la compréhension intergénérationnelle n’est pas seulement à inscrire dans la gestion des conflits, elle représente également une chance, d’abord pour les collaborateurs eux-mêmes, jeunes et moins jeunes, et ensuite pour l’optimisation des processus de travail. Pour Norbert Thom, le taux de préretraités est un indicateur d’alerte en termes de gestion démographique.

Pour lui, une gestion des ressources humaines souple et prenant des mesures en faveur de l’intégration des collaborateurs plus âgés est indispensable de nos jours. Il plaide notamment en faveur d’un perfectionnement professionnel adapté à l’âge des personnes et pour une utilisation perspicace des compétences et talents. Il convient de prendre en considération les personnalités et valeurs individuelles et de créer des incitations et des motivations sur cette base. «Les talents ne disparaissent pas avec l’âge», explique le professeur Thom, «pour autant que les personnes aient la possibilité d’une formation continue et qu’elles en profitent». Et de poursuivre: «L’entreprise a tout intérêt à former un quinquagénaire, puisque selon toute probabilité, celui-ci restera encore au moins dix ans, alors qu’un jeune qui vient de commencer risque de s’orienter très rapidement vers d’autres défis.»

Chance et défi à la fois: les nouveaux paradigmes de travail. Deux exemples concrets.

Un paradigme prometteur, lancé par SBB Consulting, va dans la direction préconisée par le professeur Thom. Martin Schenk et Werner Nuber ont présenté le système des CFF basé sur deux piliers. Les Senior Advisers du premier pilier et les Conseillers en management du second pilier se tiennent à la disposition du jeune personnel d’encadrement. D’une part, ce système vise à prévenir les départs en préretraite, d’autre part, le transfert des savoirs vers les jeunes est favorisé. Avec ce paradigme, les CFF ne misent pas seulement sur la préservation des savoirs: la société espère une fertilisation mutuelle entre le savoir-faire des plus âgés et les compétences nouvelles des plus jeunes. Elle souhaite ainsi initier une association optimale de perspectives et de compétences, favorable aux divers projets.

C’est à l’âge de 59 ans que les personnes intègrent le Senior Consulting Group des CFF: selon le projet concerné, elles ont alors fonction de Senior Adviser ou de Conseiller. Ce paradigme comporte des avantages mais aussi un potentiel conflictuel, Martin Schenk et Werner Nuber en sont conscients. Le principal avantage, c’est le travail en équipe et l’échange de savoirs qui en résulte. Toutefois, il peut s’avérer difficile pour un ancien dirigeant de s’intégrer au sein d’une ligne. Autre défi: le face-à-face de réseaux élaborés et de capacités confirmées, d’une part, et de l’insuffisance de patience ou de flexibilité ou encore d’un faible esprit d’équipe, d’autre part.

Le secteur public aussi considère que mélanger les générations peut être bénéfique. Selon Barbara Schaerer, Directrice de l’Office fédéral du personnel, une stratégie reposant sur la diversité des âges peut, grâce à la prise en compte de perspectives multiples, favoriser la créativité et la prise de décisions portées par le grand nombre. Bref: la diversité des âges favorise les solutions intégrales. Toutefois, les problèmes de communication, les préjugés et les divergences au niveau des valeurs sont de taille. Bien que ce paradigme, similaire à celui des deux piliers lancé par le Consulting Group des CFF, ne fonctionne pas pour le personnel de la Confédération, Barbara Schaerer est une adepte du travail en équipe intergénérationnelle. La structure des âges à la Confédération fait clairement ressortir un problème: la majorité des collaborateurs sont des hommes de plus de 40 ans, lesquels quitteront leurs fonctions à l’horizon de 10 à 20 ans. Les statistiques relatives aux jeunes qui leur succéderont sont peu réjouissantes. Tout comme le professeur Thom l’a constaté dans ses études, un rapport de 2:1 régit le marché du travail – la génération des baby-boomers occupe la plupart des postes, alors que les générations X et Y hésitent à s’orienter vers le secteur public. La Confédération réagit à ce déséquilibre par un marketing moderne auprès des universités et hautes écoles afin de recruter de jeunes diplômés, ainsi qu’en offrant des formations complémentaires dans la perspective de futurs postes de cadres. Un environnement de travail flexible et moderne est censé attirer les «jeunes». Mesure complémentaire: la Confédération mise sur une politique du personnel tenant compte des divers groupes d’âge. Selon Barbara Schaerer, il serait judicieux de conserver en emploi les collaborateurs plus âgés. Pour ceci, l’effort porte non seulement sur des systèmes flexibles en termes d’heures de présence et sur des programmes de formation continue, la Confédération compense en outre les cotisations de l’employeur en cas d’embauche ou de prolongation des rapports de travail au-delà de l’âge de la retraite, ceci principalement pour endiguer le taux très élevé de départs anticipés (62,2 % en 2010). Madame Schaerer rappelle que la Confédération a également intégré le discours intergénérationnel dans sa politique du personnel. «C’est une chance pour les jeunes et les moins jeunes. Pour les premiers parce qu’ils sont recherchés, pour les derniers parce que l’opportunité leur est donnée de décider librement ce qu’ils souhaitent faire lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite.»

Gestion de santé – obligation et souci de l’employeur

«Qui veut vivre vieux doit commencer tôt», telle est l’idée fondamentale du professeur Thom. Dans sa propre présentation, le docteur Georg Bauer se range à ses côtés. Selon lui, dans l’univers professionnel, le rapport entre les ressources et les charges est un indicateur. Le maîtriser permet de réduire l’absentéisme et de restreindre les départs anticipés à la retraite. Le travail physiquement éprouvant, mais aussi le poids psychique, le travail sous pression, les rôles mal définis, le mobbing, le manque de perspectives, le surmenage, etc. peuvent avoir une forte influence sur le bien-être des collaborateurs et considérablement réduire leur performance. Un rapport élevé entre ressources et charges s’accompagne non seulement d’un état de santé satisfaisant, mais une entreprise favorable à la santé (ou salutogène) se distingue par ailleurs par des collaborateurs motivés et satisfaits, qui sont attachés à leur entreprise.

Avec l’âge, la performance des collaborateurs diminue – toutefois, c’est l’âge biologique qui compte, non pas l’âge calendaire. Selon Georg Bauer, une organisation du travail adaptée à l’âge devrait, dans chaque entreprise, s’inscrire dans la stratégie afin de réduire les écarts de santé entre les collaborateurs jeunes et moins jeunes et de permettre de conserver la capacité de travail des derniers. La voie vers une organisation salutogène de l’exploitation porte la dénomination de «Gestion systématique de la santé au sein de l’exploitation». Celle-ci requiert certes une analyse de l’exploitation, mais aussi une optimisation à la suite de la formation des dirigeants. L’interaction entre l’exploitation et ses collaborateurs doit être non seulement assurée, mais en outre de bonne qualité. C’est à cette condition que dans une exploitation, il est possible de prendre en considération les besoins des collaborateurs, notamment de ceux de plus de 50 ans, afin d’adapter le rapport ressources/charges en fonction des âges – voire en fonction des personnes.

maja.hornik@fug.unibe.ch

anina.lauber@fug.unibe.ch

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