Soutien financier cantonal aux projets intergénérationnels: le canton de Fribourg, pionnier en la matière, affiche un bilan positif
Une contribution de Anne-Sophie Keller
Politique intergénérationnelle et dialogue intergénérationnel , Vivre ensemble, voisinage et quartiers , Participation, intégration et inclusion
24. juin 2024
La solidarité intergénérationnelle et la cohésion sociale comme objectif politique? Dans le canton de Fribourg, la promotion de la solidarité par le biais de projets intergénérationnels est inscrite dans la Constitution. La responsable du programme Judith Camenzind-Barbieri tire un bilan positif des six premières années de subventionnement.
«Mémoire vivante de la Vignettaz» - Un projet intergénérationnel où jeunes et moins jeunes font revivre ensemble l'histoire du quartier, renforçant ainsi l'identité commune.
En soutenant financièrement des projets intergénérationnels, les pouvoirs publics reconnaissent l’importance des relations intergénérationnelles en dehors de la famille pour renforcer la cohésion sociale dans le contexte de l’évolution démographique. La solidarité et la cohésion intergénérationnelles comme objectif politique? À ce jour, le canton de Fribourg est le seul à mettre à disposition un soutien financier régulier pour les projets intergénérationnels. L’article 52 de la Constitution fribourgeoise stipule que « l’État et les communes favorisent la compréhension et la solidarité entre les générations.» Un fonds d’encouragement pour les projets intergénérationnels a ainsi été introduit en 2018 dans le plan de mesures du concept Senior+ qui vise à concrétiser la vision d’une politique globale de la personne âgée. Les demandes peuvent être déposées par des communes fribourgeoises, des organisations et associations d’utilité publique ainsi que des groupes de personnes privées domiciliées dans le canton de Fribourg. L’attribution du soutien à ces projets est décidée par un jury composé de cinq personnes. Cet exemple pourrait-il être repris par d’autres cantons? Quels obstacles ont dû être surmontés? Quels succès ont été enregistrés? Judith Camenzind-Barbieri, responsable du concept Senior+ du canton de Fribourg, tire le bilan de six années d’activité au cours desquelles 66 projets intergénérationnels ont été soutenus. Sa conclusion? Elle aimerait que davantage de cantons suivent l’exemple de Fribourg, car cela en vaut vraiment la peine!
Soutien financier aux projets intergénérationnels: diversité, succès et défis
Dans le canton de Fribourg, le fonds d’encouragement pour les projets intergénérationnels fait partie du plan de mesures du concept Senior+ depuis 2018. Pourquoi l’avoir rattaché à ce programme plutôt qu’au fonds d’encouragement pour les projets destinés aux jeunes?
Nous voulons casser le cliché selon lequel les personnes âgées sont un fardeau et montrer qu’elles apportent de nombreuses ressources et compétences importantes pour la société. L’objectif n’est donc pas de lancer des projets qui profitent uniquement aux personnes âgées, bien au contraire. La politique de la jeunesse comprend des programmes de soutien qui s’adressent exclusivement aux jeunes. Mais il faut savoir que de tels appels d’offres impliquent beaucoup de travail – il était donc judicieux de rattacher le soutien aux projets intergénérationnels au concept Senior+.
À ce jour, 66 projets ont bénéficié d’un soutien financier. Quels projets ont été couronnés de succès? Et pourquoi?
C’est une question difficile! Les projets sont très différents les uns des autres. Certains petits projets ont un fort impact. D’autres sont réalisés à plus grande échelle, parfois dans plusieurs communes. Il est donc difficile de les comparer. Le plus important est qu’ils soient portés par des gens motivés. Un autre élément clé pour la réussite d’un projet est l’existence d’objectifs communs entre les jeunes et les seniors. C’est pour cette raison que les projets de protection de la nature, par exemple, remportent un franc succès.
Qu’est-ce qui vous a personnellement enthousiasmée?
Ces dernières années, nous avons soutenu de très nombreux projets intéressants. Un exemple récent est le projet «Mémoire vivante de la Vignettaz», mis sur pied par une association de ce quartier de la ville de Fribourg. Les habitants ont été invités à partager d’anciennes photos et souvenirs afin de retracer l’histoire du quartier. À quoi ressemblait-il à l’époque? Et comment vivait-on ensemble? Ces questions sont essentielles pour trouver une identité commune. Les plus jeunes ont posé des questions, les plus âgés y ont répondu. Le résultat a été présenté dans le cadre d’une exposition qui était visible jusqu’au 7 juin.
Un projet similaire a été réalisé à Granges-Paccot. La commune a connu un développement fulgurant et le village d’origine s’est transformé en une zone industrielle. La population a dû s’adapter et retrouver une identité. C’est ainsi qu’est né le film «Générations». Le film «Parlez-moi d’amour» est un autre projet dans lequel des jeunes issus de milieux défavorisés parlent d’amour avec des personnes en maison de retraite. Puis il y a eu le covid. Le film montre également la façon dont ces relations ont changé à ce moment. C’était très émouvant.
Quels projets ont échoué et pourquoi?
En raison du covid, certains projets n’ont jamais vu le jour. Mais j’ai été impressionnée par la manière dont les instigatrices et instigateurs ont tenté de les adapter aux circonstances et comment ils sont restés en contact avec nous. L’un de ces projets consistait par exemple à organiser une olympiade encadrée par des jeunes entre différentes maisons de retraite. Elle a finalement pu avoir lieu il y a quelques semaines. D’autres projets n’ont tout simplement pas suscité beaucoup d’intérêt, mais cela fait partie du jeu. Nous essayons de creuser les raisons d’un tel manque d’intérêt dans nos rapports de suivi. Certains projets ont ainsi été réaménagés au cours du processus.
Financement durable de projets intergénérationnels
Le fonds est uniquement destiné à financer le lancement de nouveaux projets et ne prévoit pas de soutien à long terme. Comment rendre les projets efficaces sur la durée?
L’idée est de fournir une aide au démarrage afin que les projets puissent ensuite bénéficier d’un soutien permanent, par exemple de la part des communes. Cela a relativement bien fonctionné jusqu’ici. Une subvention du canton peut accroître la crédibilité d’un projet vis-à-vis d’autres partenaires. Certains projets sont ainsi soutenus par d’autres organismes dans un deuxième temps: par exemple «Les Charettes!», qui organise des activités créatives et sociales dans la rue et qui est maintenant soutenu par le réseau Caring Communities. De même, «Un Tour en Tuk-Tuk», un service de transport assuré par des jeunes pour des personnes âgées, a pu s’établir et se financer de manière durable.
À quels aspects accordez-vous une attention particulière lors de l’évaluation des demandes?
Le fait qu’un projet vise à faire une activité avec les personnes âgées plutôt que pour elles nous semble par exemple un aspect particulièrement important. Entreprendre quelque chose ensemble est fondamental. En outre, le projet doit être largement soutenu. Si un projet n’est porté que par une ou deux personnes, il sera difficile de le poursuivre si elles se retirent. C’est pourquoi le soutien de la commune doit être acquis en amont. Nous ne demandons toutefois pas des gestionnaires de projets professionnels. Les projets doivent en outre être réalisables et accessibles de manière spontanée. Les petits projets, comme un service de ramassage des ordures, ont souvent un effet pérenne et ont permis de tisser des liens durables entre les générations. D’ailleurs, même un projet qui n’a lieu qu’un seul jour peut être durable.
Comment ce jury a-t-il été constitué?
Étant donné que le projet est rattaché au concept Senior+, l’association des retraités est représentée dans le jury, et nous souhaitions en outre qu’une personne du service de la jeunesse en fasse partie. Comme le fonds s’adresse aux communes, une personne de l’association des communes est présente. Et comme le règlement est très détaillé, la dernière personne est un juriste.
Comment les demandeurs potentiels ont-ils accueilli l’offre de financement régulier du canton?
Au début, les projets étaient surtout proposés par des organisations. Aujourd’hui, de plus en plus de communes soumettent également des demandes. C’était l’un des principaux objectifs. À mon avis, le fonds devait d’abord se faire connaître et s’établir. Nous gagnons par exemple en visibilité lorsque nous envoyons un communiqué de presse et que les médias parlent des projets. Mais nous devons de temps en temps relancer les communes.
Cela demande beaucoup d’engagement personnel. Avez-vous sous-estimé ce travail?
Honnêtement, oui. Mais aujourd’hui, tout est un peu plus routinier et plus simple.
Comment le paysage des projets intergénérationnels a-t-il évolué dans le canton de Fribourg? Quels résultats positifs peuvent être attribués au fonds d’encouragement?
Les communes fribourgeoises s’engagent de plus en plus dans des projets intergénérationnels. Plusieurs organisations et associations ont également mis sur pied des projets. Je suis convaincue que le fonds d’encouragement a été une bonne incitation.
Ein aperçu des 66 projets intergénérationnels soutenus
Obtenez une idée de la diversité des nombreux projets soutenus et de la manière dont ils renforcent la solidarité intergénérationnelle ainsi que la cohésion sociale de différentes manières.
- Liste des projets intergénérationnels soutenus dans le canton de Fribourg
Renforcer la solidarité entre les générations: un regard vers l’avenir
La politique cantonale des personnes âgées Senior+, et donc le fonds d’encouragement, a été lancée par Anne Claude Demierre. Quelle est la position de Philippe Demierre, son successeur à la Direction de la santé et des affaires sociales, sur la promotion des projets intergénérationnels?
Le soutien reste acquis. Il est clair que le projet est important pour le canton et qu’il a aussi un fort impact. Après tout, nous avons un mandat constitutionnel! De plus, le programme est bien ancré et soutenu, ce qui se reflète dans le nouveau plan de mesures.
Fribourg est jusqu’à présent le seul canton à avoir introduit un soutien financier régulier pour les projets intergénérationnels. Comment l’expliquez-vous?
Le programme Senior+ et le plan de mesures qui y est associé, ainsi que le mandat constitutionnel nous ont donné un cadre clair qui fait peut-être encore défaut dans d’autres cantons. Mais je pense que les gens prennent de plus en plus conscience que le renforcement des relations intergénérationnelles a une valeur sociale considérable. Je serais ravie que les autres cantons s’inspirent de notre exemple.
Quelle suite le canton de Fribourg entend-il donner à ce soutien?
Le fonds d’encouragement est considéré comme un succès et sera reconduit pour les cinq années à venir. Je pense que les projets intergénérationnels vont s’établir de plus en plus, tout simplement parce qu’il existe un énorme besoin. Tant de jeunes n’ont pas vraiment de contacts avec des personnes âgées en dehors de la famille. De telles relations seraient pourtant vitales pour une société, car ce sont justement les jeunes qui apprécient ce contact.
Pouvez-vous citer un exemple?
Nous avons par exemple mené des projets dans des écoles, où différentes générations ont participé à des activités communes. Des ateliers ont par ailleurs été proposés dans un cycle d’orientation. Un homme âgé a par exemple donné un cours de patois fribourgeois. D’autres ont organisé des cours de cuisine. Ces ateliers ont fait le plein et les jeunes ont expliqué que cela les rassurait énormément de savoir que des adultes pouvaient les aider et leur transmettre leur savoir.
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