Rapport: Le lien entre Génération – Projets et Utopies, 19/11 2010 EESP Lausanne
Science et recherche sur les générations
5. janvier 2011
Table ronde sur le projet intergénérationnel, organisée dans le cadre du lancement de l’Université d’été de la HES-SO en travail social.
Dans un premier temps, présentation de deux projets intergénérationnels : projet « Popaie » de la crèche du Clos-de-Bulle à Lausanne, ainsi que de l’EMS La Terrassière à Genève. L’objectif est de créer des liens entre les générations, de façon durable.
La question de la pertinence sociale de l’intergénérationnel est posée par Christian Dubuis, concepteur du projet Popaie. De ce fait l’impact social d’un tel projet a été étudié dans le cadre de ce premier projet. Les résultats sont les suivants et attestent d’une certaine pertinence.
- Les bénéficiaires font moins d’associations entre la vieillesse et la mort.
- Les bénéficiaires font moins d’associations entre la vieillesse et la perte de la faculté.
- Les parents des enfants et les aînés acquièrent plus de confiance.
- Plusieurs types de solidarités apparaissent:
- Une solidarité descendante qui va des personnes âgées aux plus jeunes
- Une solidarité horizontale, où les aînés s’entraident entre eux.
- Une solidarité ascendante, où les plus jeunes aident les plus âgés.
Le projet « Histoire de Home », de l’EMS de la Terrassière à Genève est présenté par Alain Jenny, animateur. Née de la volonté conjuguée des professionnels de la formation et de praticiens du terrain médico-social, l’association AlliÂges a pour objectif d’accompagner la réflexion dans les institutions et services pour personnes âgées, et de promouvoir les expériences novatrices dans le domaine de la gérontologie Alain Jenny décrit deux projets complémentaires qui se sont déroulés à l’EMS de la Terrassières : « Le home se raconte », l’occasion pour différents acteurs du dispositifs institutionnel (résidents, proches, professionnels) d’exprimer les préoccupations, envies, sentiments vécus autour de cette réalité institutionnelle. « Raconter le home », expression des acteurs extérieurs comme des habitants et des commerçants vivant dans le même quartier sur cette même réalité, à travers un film.
Le débat démarre sur le questionnement du délitement du lien. Y a-t-il vraiment perte de solidarité sociale ? Selon Cornelia Hummel, Université de Genève, Département de Sociologie, le fait est qu’en famille, il n’y a pas de délitement du lien, la famille est encore très solidaire. Dans la société, il est plus ardu d’étudier ce phénomène car il n’y a pas de données chiffrées, ni de comparaison avec le passé, pouvant attester d’un tel phénomène. On fait ici la différence entre la relation et le rapport entre générations. Ainsi, lorsqu’on parle du contrat entre les générations mis à l’épreuve, notamment par le changement démographique, on parlera de « rapports», plutôt symboliques, alors que lorsque l’on parle de « relations », on fait référence à des relations effectives entre individus. On met ici en lumière le fait que « relation » et « rapport » sont intrinsèquement liés, puisque la relation subira un changement étant donné que le rapport change.
Pour Olivier Taramarcaz, de Pro Senectute, le débat est principalement centré sur la question des rapports entre les générations. Le cloisonnement dans la construction des systèmes sociaux (comme les institutions) est un phénomène actuel. Il y a cloisonnement interculturel, intergénérationnel, etc. Le côtoiement entre générations n’est donc pas favorisé. Historiquement plusieurs actions mettent en évidence la place de la personne âgée au sein de la société. En 1993, on a questionné la place des personnes âgées au sein de la société et la nécessité d’être utile socialement. Avec l’année de la personne âgée en 1999 (« Une société pour tous les âges), on parle de réciprocité entre les générations (par exemple, le projet Prix Chronos en France se met en place dans ce but).
De plus en plus, la société adopte une approche de citoyenneté et du « vivre ensemble ». Une projection collective ainsi qu’une prise de conscience apparaissent, si on prend l’exemple de l’environnent et de l’écologie. Le souci du monde laissé aux futures générations alerte, le devoir de mémoire interroge : le fait de transmettre ce que l’on a vécu pour éviter que les générations suivantes ne répète les mêmes erreurs ; les jeunes générations vont alors faire des choix en conséquence des transmissions passées. Dès lors la question du rapport aux générations se développe.
Pour les porteurs de projets, Christian Dubuis et Alain Jenny, les motivations qui entraînent certains aînés à participer ou à mettre en œuvre un projet de type intergénérationnel sont diverses:
- La plupart ressentent un fort sentiment d’inutilité et souhaitent rester utile à la société.
- D’autres ressentent le besoin de transmettre un savoir aux générations suivantes et de partager. La construction sociale est ainsi développée par le biais de la transmission du vécu.
Dans les projets mis en place, la question des rôles est importante. En effet, la personne âgée fait parti intégrante du projet mais ne doit pas se substituer aux rôles des professionnels du domaine. C’est pourquoi l’élaboration d’une charte permet la différenciation des rôles.
On soulève l’importance d’inclure plusieurs générations différentes dans ces projets et pas uniquement les personnes les plus âgées avec les enfants. Il faut réfléchir aux générations intermédiaires dans la mise en place des projets intergénérationnels. La transmission du temps est un élément important puisque chacun vit dans un temps qui lui est personnel, mais ces mêmes individus font aussi parti d’une identité plurielle. Il est vrai que de choisir les générations aux extrémités de la vie regroupent plusieurs intérêts. Notamment parce que ces générations ont des points communs, comme le temps libre, le fait de ne pas être actives sur le marché du travail, de faire partie de la catégorie des « inactifs », etc.
Sabine Voelin, EESP explique comme le thème de l’intergénération devient un enseignement dans les écoles, avec l’émergence de cours OASIS, dans les HES sociales et pédagogiques. Se pose alors la question des actions des travailleurs sociaux et de l’utilité économique, qui peut se trouver en amont.
Par des éléments économiques, le pouvoir politique réussi à faire des projets. Oscar Tosato, municipal à Lausanne évoque l’exemple d’un EMS et d’une crèche construite côte à côte ; si dans un futur, ces deux institutions peuvent être amenées à concevoir un projet de type intergénérationnel, cela devient économiquement intéressant de regrouper ces structures à certains degrés.
Deuxième partie du débat – Presentation de l’Université d’été de la HES-SO en travail social (20 juin au 1er juillet 2011) sur le thème « Genre et rapports intergénérationnels »
Valérie Hugentobler, EESP revient sur le développement théorique de la notion de génération qui remonte au 19e siècle, en Europe, certains philosophes comme Comte, Cournot, Dilthey, puis Mentré et Mannheim utilisent cette notion de « génération » pour mesurer et comprendre l’histoire et le changement social. Ils vont poser les bases de la sociologie des générations.
C’est en 1970, que l’on commence à s’interroger non plus sur la succession mais des générations mais sur la possible co-existence entre ces générations ; questionnement lié aux mutations sociodémographiques.
Elle soulève certaines limites auxquels peut être confrontée l’approche générationnelle:
- Il s’agit d’un concept mou et plastique, car beaucoup de définitions et interprétations existent pour ce terme de « génération », il est donc difficile à définir et à utiliser.
- Cette approche a tendance à occulter la réflexion en terme d’inégalités sociales.
- La question du genre est très souvent absente et devrait être omniprésente (la place de la femme, par exemple, dans les relations intergénérationnelles).
Pascales Bruderer Wyss revient sur son année de présidence de l’Assemblée fédérale et sur son souhait de voir se développer cette question des relations intergénérationnelles qui lui tient à cœur. Elle considère que ce sujet de l’intergénération n’est malheureusement pas assez traité dans les médias et lorsqu’il l’est, il l’est souvent de manière négative (exemple de la concurrence sur le marché du travail).
Léa Couturier, couturier@eesp.ch
Sandrine Crot, scrot@eesp.ch
étudiantes de la EESP Lausanne
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