Dans l’espace public, la discrimination fondée sur l’âge touche les jeunes comme les personnes âgées – un urbanisme adapté à toutes les générations s’impose
Une contribution de Monika Blau
Politique intergénérationnelle et dialogue intergénérationnel , Vivre ensemble, voisinage et quartiers , Participation, intégration et inclusion
6. novembre 2024
L’espace public n’est pas accessible et utilisable de la même manière par chacun. Les groupes d’âge particulièrement vulnérables, comme les personnes âgées, les enfants ou les jeunes, sont souvent confrontés à des entraves, des désavantages et des exclusions en raison de leur âge. Un urbanisme intergénérationnel et inclusif peut y remédier et constitue une mesure efficace contre l’âgisme.
Dans les villes et les communes, il y a souvent peu de place pour les jeunes.
Dès que nous quittons notre domicile, nous entrons dans l’espace public d’une commune ou d’une ville. Nous utilisons les rues et les routes, les places et les parcs pour nous déplacer, nous détendre et consommer. L’espace public est aussi un lieu de rencontre et le théâtre de diverses activités culturelles, sportives ou de loisirs. Il se prête également aux revendications politiques, à la formation d’opinion et aux manifestations. Comme le montre cette définition tirée d’un dictionnaire de l’urbanisme et du développement territorial, l’espace public, y compris les bâtiments publics communaux tels que les gares ou les bibliothèques, a un impact décisif sur les conditions de vie et la qualité de vie de l’ensemble de la population, indépendamment de l’âge.
La conception, la planification et l’aménagement de l’espace public ont une influence considérable sur le bien-être et la santé des humains. Une mauvaise conception peut avoir un impact négatif sur la qualité de vie et, par conséquent, sur la santé. La priorité doit dès lors être accordée à un urbanisme favorable aux générations qui répond aux besoins et aux exigences des humains. Les critères de qualité à prendre en compte sont avant tout la facilité d’utilisation, la protection et l’appropriation de l’espace de vie par l’ensemble de la population. Des experts comme l’urbaniste danois Jan Gehl prônent un design urbain qui donne la priorité aux piétons par rapport aux voitures et qui adapte l’espace aux besoins de tous les groupes d’âge. Un design socialement équitable et intergénérationnel peut contribuer de manière significative à un environnement plus sain et plus agréable à vivre.
Comment la discrimination fondée sur l’âge influence-t-elle notre santé?
La discrimination fondée sur l’âge, aussi appelée âgisme, peut entraîner des problèmes de santé et des difficultés psychosociales chez les personnes qui en sont victimes, et conduire à la solitude et à l’isolement. Selon l’OMS, les images négatives de la vieillesse et la discrimination ont également une influence sur notre espérance de vie et peuvent la raccourcir de 7,5 ans. Pour en savoir plus sur ce sujet, cliquez ici.
Les groupes d’âge vulnérables et les risques qui les guettent dans l’espace public
Les groupes d’âge dits «vulnérables», tels que les enfants, les jeunes et les personnes âgées, sont particulièrement discriminés dans l’espace public en comparaison avec les groupes d’âge moyen. Qu’il s’agisse de la situation du trafic compliquée, de la distance à parcourir à pied jusqu’aux espaces verts ou de trottoirs en mauvais état ou en pente, il en résulte des désavantages structurels dans l’utilisation de l’espace public par les groupes d’âge vulnérables. De plus, les îlots de chaleur posent de plus en plus de problèmes. La santé des personnes âgées et des jeunes enfants est particulièrement menacée par l’exposition croissante à la chaleur en raison du changement climatique.
Dans l’espace public, les discriminations fondées sur l’âge ne concernent pas uniquement les groupes d’âge vulnérables. D’autres groupes d’âge peuvent également être désavantagés. Il existe un risque général de pénalisation et d’exclusion de tous ceux qui, en raison de l’investissement en temps nécessaire, des coûts de la mobilité et de l’éloignement n’ont qu’un accès limité même aux lieux importants de la vie quotidienne. La combinaison de l’âgisme avec d’autres motifs de discrimination, tels que le sexe, le statut social ou l’origine, peut entraîner une ségrégation accrue. D’autres formes d’inégalités se développent et renforcent la discrimination (intersectionnalité). Les femmes âgées ont par exemple une mobilité plus réduite et séjournent moins longtemps dans l’espace public que les autres groupes d’âge.
Le réseau mondial des villes et communautés amies des aînés de l’OMS
Afin de relever ces défis, un nombre croissant de villes et de communes à travers le monde ont rejoint le réseau mondial des villes et communautés amies des aînés créé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) en 2010 et ont mis en œuvre des plans d’action pour créer un environnement favorable aux personnes âgées.
Age-friendly’ environments can be defined as places where people of all ages feel involved, valued, and supported with infrastructure and services that meet their preferences, needs and aspirations. WHO Global Network of Age-friendly Cities and Communities, AFCC
En Suisse, les villes de Genève, Lausanne, Berne, Vevey et Lucerne ont déjà rejoint le réseau des villes et communes amies des aînés. Les plans d’action des membres du réseau se concentrent en particulier sur la mobilité active, sûre et autonome, ainsi que sur la participation et l’inclusion sociales de tous les groupes d’âge. Ces objectifs et mesures tiennent compte des particularités communales, mais peuvent également s’appuyer sur les connaissances et expériences spécifiques du réseau mondial.
Urbanisme adapté aux personnes âgées: exemples de bonnes pratiques internationales
Pour illustrer plus en détail l’éventail des mesures favorables aux personnes âgées dans l’espace public, voici quelques exemples tirés de plans d’action du réseau des villes et communes amies des aînés:
- Inventaire des bancs et des zones de repos dans le cadre d’un projet participatif et positionnement de ceux-ci à des distances de marche adaptées aux personnes âgées (Göteborg, Suède)
- Feux pour piétons réglés sur une vitesse de marche lente et dotés d’un compte à rebours et d’un signal pour malvoyants (Vancouver, Canada)
- Conception de toilettes publiques adaptées aux personnes âgées dans toute la ville (Londres, Grande-Bretagne)
- Mesures de protection contre la chaleur (par ex. distributeurs d’ombre et d’eau potable) sur les voies de transit et aux arrêts des transports publics (Sacramento, États-Unis)
- Conception de parcs adaptés aux personnes âgées et aux personnes atteintes de démence dans le cadre d’un projet participatif (Boston, États-Unis)
- Extension des espaces de détente pour les piétons au moyen de zones piétonnes temporaires et de parklets, c’est-à-dire de lieux d’arrêt et d’assise sur d’anciennes places de stationnement (Porto, Portugal)
Accès à l’espace public: un problème intergénérationnel
Si l’espace public n’est pas aménagé de manière à être facilement accessible, sûr et utilisable de manière autonome par les personnes âgées, celles-ci sont restreintes dans leurs mouvements. Elles ont tendance à rester chez elles et à réduire leurs activités à l’extérieur au strict minimum. Cela augmente le risque de retrait social et d’activité physique limitée, ce qui peut entraîner des problèmes de santé. Les enfants – et, dans une moindre mesure, les adolescents – dépendent de leurs parents et d’autres adultes pour se déplacer en toute sécurité dans l’espace public et pour rencontrer leurs amis ou pratiquer des activités éducatives et de loisirs. Leur autonomie dans l’espace public est limitée, ce qui affecte leur capacité à s’approprier leur cadre de vie de manière indépendante. S’appuyant sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ratifiée par la Suisse en 1997, UNICEF Suisse attire l’attention sur l’importance de l’espace public en lançant l’initiative «Planification et aménagement d’espaces de vie adaptés aux enfants».
Lutter contre la discrimination fondée sur l’âge: importance des projets intergénérationnels et d’un urbanisme sensibilisé à ce problème
En raison du vieillissement démographique et de l’urbanisation croissante, un aménagement socialement équitable et non discriminatoire de l’espace public pour tous les groupes d’âge deviendra à l’avenir un domaine d’action encore plus important de la politique et de la gestion communales. Pour lutter efficacement contre l’âgisme dans l’espace public, il est indispensable de se pencher sur les images sociales de la vieillesse et sur les stéréotypes liés à l’âge.
Generationenprojekte für den öffentlichen Raum
- Tram-dem: Accompagnement des personnes âgées dans les transports publics, Bâle
- Service d’accompagnement des transports publics de la ville de Zurich
- Hopp-la : les générations en mouvement
- Chemin de jeu St. Gallen
L’attribution généralisante de certaines propriétés et caractéristiques à certains groupes d’âge entraîne la formation de préjugés qui peuvent conduire à des comportements pénalisants. Par exemple, les discussions récurrentes sur les interdictions de sortie (en allemand) et de fréquenter certains lieux de l’espace public visent systématiquement les jeunes, car on leur reproche et leur attribue le littering. Les mesures de lutte contre le jet de mégots de cigarettes (en allemand)partent souvent du principe que les jeunes fumeurs constituent le groupe cible, alors que la jeunesse n’est pas la caractéristique déterminante. Jamais on n’envisagerait d’interdire aux fumeurs adultes la fréquentation de certains lieux de l’espace public au motif qu’ils jettent leurs mégots de cigarettes par terre. Bien que l’utilisation de l’espace public soit essentielle pour le bien-être et la santé du groupe d’âge des jeunes, les inhibitions à imposer des restrictions et des mesures drastiques sont plutôt faibles. L’Institut national de santé publique du Danemark constate par exemple qu’il existe un lien direct entre l’augmentation des problèmes de santé mentale chez les jeunes femmes et leur non-prise en compte dans la planification de l’espace public urbain. De même, les images de la vieillesse et les stéréotypes à la base de la planification urbaine communale conduisent souvent à des hypothèses arbitraires et à des mesures discriminatoires dans l’aménagement de l’espace public, comme le montre une étude de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse présentée dans un article de blog.
En plus d’un urbanisme tenant compte du risque d’âgisme dans l’espace public et le combattant activement par des mesures appropriées, les projets intergénérationnels peuvent aussi apporter une contribution importante. Dans son rapport sur l’âgisme, l’OMS recommande de mettre sur pied des projets intergénérationnels pour y remédier.
Weiterführende Literatur
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