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L’encadrement intergénérationnel agit sur le bien-être en maison de retraite

Dans son mémoire de fin d’études en soins gériatriques, l’infirmière Eva-Maria Lanfranchi s’est penchée sur les effets des activités intergénérationnelles sur le bien-être des personnes très âgées vivant dans des établissements médicaux-sociaux. Pour ce travail et en se basant sur les quatre dimensions du bien-être (physique, psychique, social et spirituel), elle a analysé les résultats de plusieurs recherches internationales.

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Photo: Evangelische Hochschule Freiburg

Les participations passive et active ont chacune leur valeur

Dans votre travail de recherche, vous vous êtes intéressée aux effets des activités intergénérationnelles sur les personnes très âgées vivant en EMS. Quelles sont les principales conclusions que vous tirez de votre étude?

L’implication dans des activités intergénérationnelles a un effet d’autant plus durable sur les personnes âgées que celles-ci sont encore capables d’interagir et de prendre part à ce qui se passe. Une efficacité encore plus profonde peut être obtenue si l’expérience vécue est réfléchie et confrontée à la biographie personnelle de l’individu âgé. Néanmoins, la participation passive ne doit pas être négligée. Elle sert toutefois plutôt à court terme, à divertir et à changer du quotidien.

 

La participation passive à des activités intergénérationnelles (observation, écoute) semble être davantage prise en compte – et évaluée de manière beaucoup plus positive – dans la pratique que dans la recherche. Comment expliquez-vous cela et est-ce que cela présente éventuellement des opportunités particulières mais aussi des risques?

L’activité doit être adaptée en fonction de l’objectif poursuivi par les projets intergénérationnels. Je comprends très bien que l’on organise des activités passives car elles nécessitent bien moins de ressources; il faut cependant être conscient que le plaisir qu’elles procurent ne durera que peu de temps. Les personnes âgées éprouveront du plaisir plus longtemps suite au partage d’expériences vécues; c’est d’ailleurs la même chose pour nous. Ce serait encore mieux si les intervenants discutaient un moment avec les résidents avant de conclure ces expériences. Un travail sur la biographie individuelle pourrait en découler et revêtir un caractère presque thérapeutique lorsque des émotions fortes sont évoquées. Je pense ici à un désir d’enfant inassouvi, à la perte d’un enfant, à la propre jeunesse de l’individu, etc.

 

De nombreuses études portent notamment sur le bien-être des résidents de maisons de retraite. Que devraient savoir à ce sujet les responsables de projets dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées et des enfants afin de se préparer à la pratique intergénérationnelle?

Comme je l’ai déjà mentionné, je considère qu’il est important de connaître la biographie individuelle des personnes âgées. Cela ne signifie pas pour autant que certaines expériences nouvelles doivent leur être refusées. Il faut au contraire créer de l’espace pour que des expériences puissent se développer. De nouvelles capacités peuvent être découvertes même à un âge avancé, souvent de manière ludique et insouciante en interaction avec des enfants.

Toutefois, les réactions peuvent être positives ou négatives. Ces activités doivent donc être accompagnées par des professionnels. Elles doivent être encadrées avec soin, et les responsables doivent être attentifs aux réactions verbales et non verbales. Les professionnels jouent souvent un rôle de médiateur pendant ces activités. Même des émotions négatives et des souvenirs non traités qui remontent peuvent, avec un soutien approprié, contribuer à trouver paix, joie et bien-être. La dernière étape de la vie se caractérise souvent par la réconciliation avec son passé pour se préparer à la fin.

 

Selon votre étude, il y a une approche différente pour faire participer des personnes âgées atteintes de démence ou de troubles psychiques à des activités intergénérationnelles. Pour quelles raisons ces personnes sont-elles parfois exclues? Quelles sont les conditions nécessaires à leur participation?

Leurs activités doivent impérativement être très bien planifiées. La sécurité des collaborateurs est indispensable pour assurer un climat serein. Il convient également d’anticiper certaines réactions et de savoir qui sera responsable de leur gestion. Si les réactions sont très dérangeantes pour le groupe, la personne concernée doit être écartée. Il faut en outre du personnel d’encadrement habitué à travailler avec les personnes atteintes de démence, et qui assure une fonction de médiation.

Travail biographique: Les récits de vie des résidents des Maison de retraite sont une ressource importante

Les personnes très âgées vivent généralement la transmission de connaissances, de valeurs, de traditions et d’expériences aux jeunes générations comme auto-efficace et porteuse de sens. C’est là que le «travail biographique» peut avoir une importante fonction de soutien. Pourriez-vous développer ces corrélations, grâce à votre étude mais aussi à votre expérience professionnelle?

Les enfants ont généralement une image différente des seniors vivant dans une institution pour personnes âgées. Ils connaissent surtout leurs propres grands-parents, souvent encore très actifs. Ils ne peuvent pas imaginer ce que les personnes vivant dans un EMS ont encore comme capacités, en dépit de leurs limites physiques et mentales. Malheureusement, l’image que les personnes âgées vivant en institution ont d’elles-mêmes n’est souvent pas différente. Elles ont elles-mêmes l’impression de ne plus savoir rien faire, et elles sont alors surprises de voir ce qu’elles sont encore capables d’entreprendre. Souvent, elles parviennent à redécouvrir des talents oubliés grâce au contact avec des enfants, car en leur présence, elles n’ont pas à avoir honte: les enfants d’un programme intergénérationnel n’ont pas cette attente que peuvent avoir la famille ou le partenaire. Les proches voient avant tout la perte des capacités et ne savent pas comment réagir. Grâce à l’étonnement, à la joie et à l’impartialité propres aux enfants, les personnes âgées sont incitées à dévoiler ce qu’elles ont vécu plus jeunes, dans le passé.

 

En conclusion de votre étude, vous recommandez de faire participer d’autres soignants aux rencontres intergénérationnelles, en plus des spécialistes de l’activation. Pour quelles raisons?

Dans les grands établissements, les résidents peuvent généralement se joindre à un groupe d’activation. Ils y participent et repartent après un certain temps. Les spécialistes de l’activation ne les connaissent pas et ignorent leur biographie. L’activité sert à changer le quotidien, à occuper et à utiliser les ressources des personnes âgées. Les spécialistes n’ont pas le temps d’avoir des entretiens personnels approfondis avec les résidents. Pour préparer les seniors à une activité de groupe et à un échange ou un travail biographique ultérieurs, il faut du personnel qui les connaisse de plus près et qui puisse recueillir leurs sentiments. Ce peut être une infirmière. J’ai partagé mon étude avec une proche collègue qui est infirmière et spécialiste de l’activation. Elle a une longue expérience dans ces deux domaines. Nous avons beaucoup échangé, et nos points de vue se rejoignent.

Autre avantage: au cours des activités communes, les soignants peuvent réduire les facteurs perturbateurs et prendre en charge certaines réactions physiques ou psychiques. Ils savent interpréter des signaux non verbaux, en particulier chez les personnes atteintes de démence.

 

Pour conclure, une question personnelle: Qu’est-ce que cette étude approfondie des rencontres intergénérationnelles a changé pour votre travail en tant que directrice des soins et de l’accompagnement? Qu’aimeriez-vous voir se développer à l’avenir dans toutes les institutions de soins aux personnes âgées?

Les rencontres intergénérationnelles devraient être systématiquement intégrées dans l’accompagnement des personnes âgées, car elles ont un effet enrichissant. Je souhaiterais que les plages de temps personnel offertes aux résidents soient élargies, qu’elles soient de qualité et leur permettent d’être eux-mêmes, d’être pris au sérieux et d’être valorisés; que leurs besoins subjectifs soient davantage pris en compte comme étant l’expression de personnalités individuelles dans un monde axé sur la performance. C’est ce que je souhaite pour moi-même lorsque je serai vieille. Les jeunes pensent parfois que les personnes âgées ne devraient pas simplement rester assises, et ils se fondent en cela sur leur propre conception de la vie. Or, les aînés ont bien le droit de profiter de l’oisiveté ou de prendre le temps de réfléchir à la vie.

L’interview a été menée par Monika Blau, Intergeneration, en janvier 2022.

Liens complémentaires

Intergeneration offre une plateforme nationale spécifique pour assurer le transfert des connaissances et l’échange entre professionnels dans le domaine intergénérationnel.

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