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N’ayez pas peur des conflits de générations – les conflits sont normaux!

Une contribution de Franziska Feller, Yvonne Hofstetter, Gerlind Martin et Noa Zanolli

Santé, sport et activité physique , Vivre ensemble, voisinage et quartiers

19. décembre 2022

Dès que plusieurs personnes travaillent ensemble, réalisent un projet ou vivent ensemble au quotidien, des désaccords, voire des conflits, peuvent survenir. Même lorsqu’un groupe poursuit le même but, il n’est pas rare que ses membres diffèrent dans leur manière de penser et d’agir ; à plus forte raison si ces personnes appartiennent à des générations différentes et ont donc des valeurs, des normes et des besoins différents. Cet article du groupe altersmediation-bern.ch plaide pour le dialogue et pour une gestion constructive et créative des conflits.

Konflikt und Streit zwischen Generationen (Frauen)

conflits intergénérationnels

Un autre regard sur les conflits

Dès que des personnes vivent ou travaillent ensemble, il est normal que des conflits surviennent. Ce qui pose problème, ce ne sont pas les conflits, mais notre manière de les aborder. Les conflits ne sont pas la fin, mais le début de la coopération.

Cette manière de voir contredit notre vécu ordinaire, mais si on l’accepte, on a fait un grand pas vers une gestion constructive des conflits, même si le chemin reste parfois semé d’embûches. Pour les personnes impliquées, avoir une approche constructive du conflit, c’est comprendre ce qui est important pour qui, et pour quelle raison. Par exemple: qu’est-ce qui est important pour moi, et quel but poursuivent les autres?

Quel est le meilleur moyen d’atteindre l’objectif, et comment faire pour que chacun s’y retrouve? Sur quels fondements repose notre coopération, et comment pouvons-nous travailler dans le même sens?

On comprend bien que, lorsque des personnes de générations différentes vivent ou travaillent ensemble, les différences de valeurs, de normes et de besoins donnent lieu à des conflits. Bien souvent, les personnes âgées ne parlent pas de la même manière que les jeunes générations, et il n’est pas rare que les personnes impliquées réagissent en fonction d’images stéréotypées qu’elles se font de l’autre génération. Ainsi, on manque souvent l’occasion de s’écouter attentivement et de trouver des compromis sur des points où l’accord semblait impossible au départ. Pourtant, lorsque les parties arrivent à parler ensemble, il est possible de réunir les forces, les capacités et le désir d’engagement des jeunes et des plus âgés, et de les utiliser efficacement.

Les désaccords liés à des différences de valeurs sont fréquents dans toutes les relations humaines, indépendamment des écarts de générations. C’est pourquoi il vaut la peine d’analyser en détail comment nous abordons habituellement les conflits, et comment le faire de manière plus créative.

 

Quand des broutilles plombent la cohabitation – l’exemple des projets d’habitat partagé

La cohabitation de personnes appartenant à des générations différentes dans un même logement ou en étroite proximité peut être très enrichissante : les forces et les faiblesses des uns et des autres peuvent se compléter, et chacun peut donner ou recevoir de l’aide selon ses besoins. Potentiellement fructueuse, cette diversité comporte aussi des pièges. Ainsi, par exemple, les jeunes aiment rester actifs et profiter de la vie jusque tard dans la nuit ; le matin, ils ont souvent du mal à se lever, et préfèrent rester couchés si cela est possible. Pour les personnes âgées, c’est l’inverse : ils ont en général du mal à rester éveillés tard, mais sont souvent sur pied de bonne heure le matin.
Ces décalages dans les besoins de sommeil, et d’autres sujets du même genre, peuvent donner lieu à des dissensions qui sont souvent mises sous le tapis. «Je ne vais pas faire une histoire pour ça.» … et l’épine reste fichée.

Dans tout projet d’habitat partagé, il est essentiel de cultiver activement les échanges ouverts, et de se donner des occasions de « vider son sac », y compris sur des broutilles, de les prendre au sérieux, et de chercher ensemble des solutions.

 

Réactions ordinaires au conflit

Les conflits sont chargés d’émotions

Le conflit naît lorsque les autres ne reconnaissent pas ce qui est important pour nous, ce que nous pensons, ce que nous ressentons, ce que nous voulons. On se sent entravé, bloqué. Les attentes en matière de normes ou de rôles peuvent entrer en collision, notamment dans les conflits de générations. Et parce qu’on pense que les autres pourraient agir différemment, si seulement ils le voulaient, et que leur comportement ne répond pas à nos attentes ou nous blesse, on se met en colère. Les sentiments se bousculent: colère, rage, vexation, impuissance, tristesse ou honte. On se ferme. On craque. On devient aveugle. On reste sans voix. À présent, nous sommes en conflit, même si les autres ne le voient pas ou ne le vivent pas ainsi.

Certains conflits surgissent au grand jour, d’autres couvent silencieusement. Ces derniers ne sont pas les plus faciles, car ils provoquent souvent du chagrin et de la douleur chez une ou plusieurs des personnes concernées.

Les conflits sont douloureux

Souvent, les personnes concernées nient qu’il y a un conflit et elles évitent la confrontation sur le sujet. En effet, nombreux sont ceux qui associent le conflit à des expériences douloureuses.

C’est la faute aux autres

Un autre type de réaction consiste à rejeter la faute sur une autre personne, ce qui peut aller jusqu’à l’exclusion du soi-disant bouc-émissaire. Pendant un temps, ces manières de faire peuvent apporter un soulagement, mais elles débouchent rarement sur une coopération fructueuse.

Les conflits s’enveniment

Les conflits créent souvent un cycle d’escalade : durcissement, polarisation, voire attitudes polémiques et gestes revenchards. On passe alors « des paroles aux actes ».

 

Quand la question du leadership devient une source de conflit – l’exemple des cafés-récits

À qui revient le leadership : à la personne la plus expérimentée ou à la plus efficace? En particulier dans les petits projets, comme les cafés-récits ou les après-midis de jeux intergénérationnels, des objectifs mal définis ou des procédures confuses peuvent provoquer des irritations ou même des dissensions, sources de rancoeur et de colère.

Quels que soient l’âge et l’expérience des participants, dans chaque projet, les responsabilités et les procédures doivent être clairement définies. Sinon, des dynamiques néfastes peuvent émerger, surtout dans des projets portés par des groupes appartenant à diverses générations. Il arrive parfois que, par respect pour leurs aînés, les participants plus jeunes n’osent pas exprimer leur opinion. Les divergences d’opinions non exprimées peuvent provoquer des frictions. La solution: des structures claires.

 

Quand on ne sait pas clairement qui fixe les limites – l’exemple de Win3

Les seniors qui s’engagent dans Win3 sont très respectés des enseignants comme des élèves. Ils proposent un soutien supplémentaire: deux mains de plus pour aider, deux oreilles de plus pour écouter et deux jambes de plus pour intervenir.

La composition de l’équipe et la communication entre l’enseignant et le/la senior impliqué-e dans Win3 sont déterminantes pour la qualité de la collaboration. C’est pourquoi il faut se montrer ouvert face aux différentes attitudes en matière de fixation des limites: Quel est le niveau d’agitation toléré dans une classe? Quelles sont les expressions acceptables, et dans quels cas faut-il intervenir? Que peuvent attendre les enfants de la part des enseignants et des personnes assurant le soutien, et où poser des limites claires?

Il en va de même pour la répartition des rôles: un-e senior engagé-e dans Win3 peut-il/elle intervenir, alors même que pour l’enseignant-e, la situation ne pose pas encore de problème ? Comment l’équipe gère-t-elle la coexistence de différentes autorités, et comment la situation est-elle expliquée aux enfants ? Sur quoi faut-il s’accorder en amont pour qu’un-e enseignant-e, éventuellement jeune et peu expérimenté-e, n’ait pas l’impression que son autorité est sapée par une personne expérimentée de Win3?

 

Aborder les conflits de manière constructive

1.   Éviter l’escalade

Afin d’éviter les reproches mutuels et l’escalade, il est utile pour les responsables de projet de veiller à ce que:

  • chacun-e puisse exprimer ses besoins;
  • les différentes valeurs et attitudes trouvent leur place;
  •  les différents besoins en temps soient pris en compte.

2.   Clarifier les questions, prendre le temps

Tout désaccord ne doit pas forcément être assimilé à un conflit. Un désaccord, une divergence, peuvent conduire à clarifier des opinions différentes. La clarification prend souvent du temps.

Un désaccord peut naître du fait que les parties n’ont pas les mêmes informations sur une situation, ou qu’elles l’interprètent différemment. Cela peut aussi tenir au fait que les personnes concernées n’accordent pas la même importance à l’affaire. Qu’est-ce qui est important et qu’est-ce qui ne l’est pas ? S’agit-il de divergences d’intérêt qui ont leur raison d’être ? Ou bien le désaccord porte-t-il sur la répartition des responsabilités dans un changement à venir ? Le projet est-il mis en péril par le désaccord, ou non ? Faut-il agir, et est-ce urgent ? Que pourrait-on faire d’autre ?

Le désaccord peut porter aussi bien sur l’objectif que sur l’évaluation des moyens d’y parvenir.

 

3.  Faut-il recourir à une aide extérieure?

En temps normal, les personnes impliquées peuvent résoudre les dissonances entre elles. Mais, si on laisse les stéréotypes s’ancrer, si les uns ou les autres sont dévalorisé-e-s, si des allié-e-s entrent dans l’arène et si des coalitions se forment, alors il est grand temps pour les participant-e-s de se demander : avons-nous besoin d’une aide extérieure ? Des entretiens destinés à clarifier les choses, dans un « cadre protégé » et avec une « modération », pourraient-ils être utiles, non seulement pour notre propre bien-être, mais aussi pour le bénéfice du projet?

Demander l’aide d’une personne extérieure pour modérer des entretiens qui peuvent aider à faire tenir ensemble tout ce bouquet de différences enrichissantes – même les plantes épineuses – ne constitue pas un échec.

 

Quand le travail bénévole est vécu comme une obligation – l’exemple des projets de jardinage

Quoi de mieux que de se regrouper en collectif pour aménager un jardin ou un espace extérieur ? Plus les idées sont riches, plus le jardin est multicolore. Cette diversité enrichira tous les aspects du projet : choix et entretien des plantes, utilisation des outils, etc. Les groupes intergénérationnels réunissent toute une palette de connaissances, d’expériences et d’idées créatives. Mais d’un autre côté, des questions du genre « Qu’est-ce qui est une mauvaise herbe ? » peuvent donner lieu à d’interminables discussions.

Dans les projets de jardinage et d’autres projets portés par des bénévoles, on voit souvent se confronter différentes conceptions de l’engagement. Pour les uns, le bénévolat implique les mêmes exigences que le travail rémunéré, par exemple en matière de fiabilité ; pour les autres, l’attrait du bénévolat tient justement au fait que l’on peut s’engager en fonction du temps dont on dispose et de ses ressources personnelles. Les uns obtiennent estime et reconnaissance grâce à leur éthique de travail et à leur disponibilité sans faille – pour les autres, il s’agit d’apprécier le bénévolat pour la sociabilité qui va avec et pour ce qu’il leur permet de sortir du quotidien professionnel et familial. Des besoins légitimes de part et d’autre ! Et pourtant, les uns et les autres se heurtent.

Il est important de clarifier les obligations des uns et des autres, de fixer des priorités et d’être pleinement transparents sur les possibilités et les besoins des personnes impliquées. Ainsi, chacune et chacun pourra recevoir l’estime qui lui revient.

 

Bon à savoir: une coopération réussie passe aussi par les conflits

Les conflits résolus de manière constructive et créative sont des piliers essentiels d’une bonne coopération. La clarification des besoins, des demandes et des motifs profonds, des peurs et des craintes, mène à une coopération réussie, notamment dans le cadre de projets visant à relier les générations.

groupe altersmediation-bern.ch

Une contribution des auteures Franziska Feller, Yvonne Hofstetter, Gerlind Martin et Noa Zanolli de Altersmediation Bern. Une association de médiatrices et de médiateurs spécialisés dans les questions liées à l'âge et aux générations.

1 Commentaire

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    Comme mère, grand-mère, belle mère et heureuse retraitée, j’ai toujours pensé que si je rencontrais des difficultés à dialoguer avec mes enfants, belles-filles et /ou petits enfants ça serait à moi de prendre du temps pour me remettre en question sur des questions fondamentales concernant la communication comme par exemple; ai-je vraiment été à l’écoute ? Ai-je pris la peine de reformuler ma question ou ma remarque, comment négocier ce virage, comment faire un pas vers la personne plus jeune, n’ai-je pas fait preuve de trop d’autorité…etc,. Ayant gardé mes petits enfants depuis qu’ils sont bébés à plusieurs reprises j’ai rencontré des difficultés avec les parents des bébés puis des enfants sur des questions de décisions personnelles à leurs égard. heureusement nous avons toujours réussit à retrouver le dialogue en s’écoutant avec respect mutuellement. Aujourd’hui mes petits enfants font leurs études à l’Université; ils sont devenus de jeunes adultes merveilleux qui sont mes conseillers sur beaucoup de sujet. Signé. Martine Desarzens. Lausannoise âgée de 80 ans.

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