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Care – entre attention, soins et mise à l’écart

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La notion de «care» permet de nombreuses acceptions. Accompagnement, aide, assistance, attention, entretien, soin, soutien, surveillance, vigilance… Les termes sont multiples – la thématique est complexe. Quelles implications les prestations «care» ont-elles pour la population? Comment des prestations bénévoles peuvent-elles être intégrées dans le système économique? Quels sont les défis de la médecine et de la gériatrie? Le droit humain à recevoir les soins appropriés pourra-t-il être garanti à l’avenir? Une psychologue, une économiste, un médecin et une femme politique ont soulevé ces questions et d’autres encore, lors de la troisième rencontre sur les générations organisée par le «Forum für Universität und Gesellschaft».

Par Anina Lauber et Maja Hornik, Forum für Universität und Gesellschaft de l’université de Berne

Solidarité entre les générations plutôt que belligérance

Publié en 2008, le premier «Generationenbericht Schweiz» a confirmé que la belligérance entre les générations n’existe pas en Suisse. Au contraire, le contrat entre les générations est toujours fonctionnel au niveau des familles. «Toutefois, nous devons en prendre soin», a lancé Pasqualina Perrig-Chiello, responsable du projet intergénérationnel. Notamment la génération moyenne subit une forte pression sociale et familiale. «Elle est prise en sandwich entre les soins requis par les parents, les besoins de leur propre famille et les exigences professionnelles». S’y ajoute que les parents, lorsqu’ils sont très âgés, attendent souvent trop et qu’ils n’apprécient pas à sa juste valeur l’aide qui leur est apportée. Ce sont d’ailleurs toujours les femmes qui sont davantage concernées par le conflit entre vies familiale et professionnelle. Aujourd’hui encore, on attend majoritairement d’elles qu’elles prennent en charge les soins requis par leurs proches. Ainsi, les femmes ressentent davantage le besoin d’une pause, professionnelle ou non – besoin qu’elles sont peu nombreuses à pouvoir satisfaire, car il est difficile de trouver un substitut pour elles.

Pour conclure, Pasqualina Perrig-Chiello ose diriger son regard sur l’avenir. Pour elle, la faible natalité et l’importante longévité constatées en Suisse conduiront à un dilemme de plus en plus aigu. Cette évolution ne sera pas sans conséquences sur les tendances de l’avenir. Les soins non professionnels incomberont progressivement à des descendants de moins en moins nombreux lesquels, de plus, seront en plus grand nombre à exercer une activité professionnelle. Ceci signifie: il est important de prévoir des prestations d’assistance complémentaires extra-familiales et ambulatoires, afin de décharger ponctuellement les familles. C’est l’unique moyen de concilier «work» et «care», les besoins personnels et les droits familiaux. Et c’est la seule chance pour le contrat entre les générations de perdurer.

Prisoners of love

Heidi Stutz du «Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien» (BASS) à Berne porte un regard économique sur la question. Pour elle, les prestations «care» sont un facteur économique: «Ces prestations sont un bien rare, car la demande est supérieure à l’offre». En économie, le marché réagit à la rareté d’un bien en adaptant son prix. Or c’est impossible pour les prestations «care» familiales, puisque cette offre n’est pas payante. «L’incitation monétaire est remplacée par un sentiment d’affection et de responsabilité», explique Heidi Stutz. Les proches deviennent ainsi des «prisoners of love» – ils sont prisonniers de leur sens du devoir à l’égard de parents ayant besoin d’être secourus. Selon les statistiques, un quart des personnes de plus de 50 ans et un tiers des personnes âgées de 65 à 79 ans fournissent un travail bénévole pour des membres de leur famille ne partageant pas le même ménage. Il s’agit majoritairement de soins apportés à des personnes âgées ou de garde auprès des petits-enfants. Toutefois, ces prestations «care» ne sont gratuites qu’en théorie. En effet, il conviendrait de tenir compte du fait que de nombreuses personnes les fournissant se rendent ainsi indisponibles pour le marché du travail. Comment alors résoudre le problème de la rareté si ce n’est par une incitation financière? A cette question difficile, Heidi Stutz répond qu’il conviendrait surtout de prendre conscience de la valeur de ces prestations «care», qu’elles soient fournies gratuitement ou par des professionnels payés, d’assouplir, ensuite, les structures de l’offre et de mieux assurer, enfin, les besoins de «care» sur le plan financier.

La lourde charge du gériatre

Andreas Stuck exerce une profession peu prestigieuse: il est gériatre. En effet, sur les 140 étudiants qui, cette année, ont terminé leurs études de médecine à l’université de Berne, seuls deux se destinent à la gériatrie. C’est une réalité dont les conséquences risquent d’être inquiétantes. Andreas Stuck: «C’est dans la nature des choses: l’être humain subit une évolution qui n’est pas tout à son avantage». Les pathologies dues à l’âge – telles la maladie d’Alzheimer, l’ostéoporose ou les affections cardio-vasculaires – requièrent des traitements médicaux. C’est dire qu’il faut des médecins… mais aussi des moyens financiers. En Suisse, le principe de solidarité prime: chacun paie pour l’autre et chacun doit pouvoir bénéficier de prestations générales de base. Andreas Stuck considère que c’est bien ainsi, car «personne n’aspire à des soins médicaux sans en avoir besoin». Ainsi est indispensable une assurance de base, prenant en charge les interventions médicales qui s’imposent. En outre, les ressources non financières doivent être utilisées à bon escient. Selon Andreas Stuck, c’est possible en assurant des soins individuels et appropriés à l’âge. Il est un fait que les traitements gériatriques améliorent la qualité de vie et diminuent ainsi les dépenses.

Le droit à recevoir des soins

Le droit à recevoir des soins appropriés est inscrit dans la Constitution fédérale. Autrefois, ce droit était principalement assuré par les descendants. Aujourd’hui l’AVS, les caisses de pension et les caisses maladies solidaires en assument au moins la partie financière. Or, la demande émanant de personnes atteintes de démence sénile ou requérant des soins palliatifs augmente avec l’âge. Résultat: le coût des soins explose dans la seconde moitié de la vie et aussi du fait de l’évolution démographique. Actuellement, si les soins requis correspondent aux deux classes les plus élevées, le coût d’une place dans un établissement médico-social s’élève à CHF 8’000.- par mois. Plus de la moitié des personnes âgées concernées ne peuvent faire face à cette dépense sans recourir aux prestations complémentaires. C’est pourquoi la conseillère aux Etats Christine Egerszegi-Obrist exige que le système ambulatoire d’assistance et de soins soit renforcé, que le personnel nécessaire soit à disposition et que la position des proches assurant des soins soit améliorée. La politique aussi doit apporter sa contribution: il est urgent d’agir, au niveau de la politique sanitaire ainsi que familiale. Madame Egerszegi-Obrist cite deux points d’approche: une promotion sanitaire spécifique à l’âge et un renforcement de la prévention. En ce qui concerne la politique familiale, il faut non seulement une plus grande souplesse au niveau des emplois, mais aussi des allocations familiales plus importantes et des structures d’assistance extra-familiales. Toutefois, les solutions ne peuvent provenir des seuls politiques. Chaque individu est demandé! Et Madame Egerszegi-Obrist conclut: «Même à cette époque où la santé est surtout définie par ses coûts, nous avons une obligation non seulement juridique, mais également humaine, d’assurer leur dignité aux personnes âgées».

Il est primordial de préserver la solidarité entre les générations, ce consensus est absolu parmi les participants au forum. Il convient d’aider notamment les bénévoles fournissant des prestations «care» afin de les soulager partiellement. En raison de l’évolution démographique, leur contribution devient de plus en plus importante, car la demande et donc le poids augmentent très rapidement. Les conférenciers ont présenté des points d’approche pour résoudre ce problème qui va en s’accentuant – l’avenir en apportera peut-être d’autres.

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