Vers l'aperçu des nouvelles

Ceci est une traduction automatique.

Passer à la langue originale.

"Les baby-boomers ont beaucoup à apprendre des millenials"

29.01.2021

portraet_francois_hoepflinger_zvg.jpg

Le sociologue François Höpflinger s'intéresse depuis des décennies aux questions de générations. Il met en perspective les résultats du baromètre des générations 2020 et parle des étiquettes, des coudées inégales et des limites du contrat entre les générations.

Entretien : Detlef Vögeli | Michael Fässler 

L'expression "OK Boomer" est sur toutes les lèvres depuis qu'en 2019, une jeune députée néo-zélandaise a utilisé ces mots pour s'opposer à un collègue plus âgé qui voulait interrompre son vote sur la protection du climat. Depuis, "OK Boomer" est devenu un terme de combat utilisé par les millennials pour se moquer des privilèges et des attitudes de la génération des baby-boomers. Le New York Times a même prédit que "OK Boomer" marquait la fin des relations amicales entre les générations. Sommes-nous à l'aube d'un nouveau conflit de générations ?

François Höpflinger : On ne peut pas prouver scientifiquement que la solidarité entre les générations a diminué. Le baromètre des générations 2020 montre également qu'aucun conflit de générations généralisé n'est actuellement perçu. D'autres oppositions sociales, par exemple entre riches et pauvres ou entre ville et campagne, sont manifestement perçues comme plus profondes. Toutefois, différents champs de tension apparaissent.

Le baromètre des générations montre que la génération des baby-boomers, c'est-à-dire les personnes âgées aujourd'hui de 65 à 74 ans, est la plus satisfaite de la vie. En même temps, c'est la dernière génération qui estime que sa propre qualité de vie est nettement supérieure à celle de ses parents.

François Höpflinger : En Suisse, les baby-boomers sont nés au bon moment et au bon endroit : Ils ont d'abord vécu le miracle économique après la Seconde Guerre mondiale, puis le bouleversement des structures sociales par le mouvement de 68. Ils ont grandi à une époque où l'on avait l'impression que les choses ne pouvaient aller que vers le haut. A la fin de leur carrière, ils profitent maintenant de la construction de l'Etat social comme personne avant ou après eux.

En face d'eux, les personnes interrogées d'âge moyen se trouvent à l'heure de pointe de la vie et se sentent fortement sous pression.

François Höpflinger : La phase moyenne de la vie est la plus intense. C'est la période où de nombreuses personnes construisent leur carrière tout en fondant une famille. En science, on parle de "Life-Cycle Squeeze" : Dans une courte période de la vie, tout doit se passer en parallèle, ce qui peut conduire à un surmenage. Les personnes stressées d'âge moyen d'aujourd'hui sont alors celles qui seront à la retraite dans trois décennies, alors qu'elles sont encore au milieu de leur vie. C'est pourquoi je pense que l'introduction du modèle de la durée de travail à vie est prometteuse. On pourrait répartir le temps de travail sur un plus grand nombre d'années de vie et se permettre de prendre un congé sabbatique ou de travailler à temps partiel au milieu de sa vie.

Dans le baromètre des générations, le groupe des 18-34 ans est celui qui s'oppose le plus clairement au modèle de travail à vie. Comment expliquez-vous ce résultat?

François Höpflinger : Pour les personnes plus jeunes, qui viennent de commencer leur carrière professionnelle ou qui se trouvent au milieu de défis familiaux et professionnels, la durée de vie active est un concept plutôt abstrait. De plus, dans un monde du travail incertain, les perspectives professionnelles à long terme ne sont pas claires, ce qui peut déclencher des réactions négatives face à des modèles envisagés à long terme comme celui du temps de travail à vie.

Selon le sondage, les jeunes de 18 à 24 ans manquent manifestement d'espoir et de confiance.

François Höpflinger : L'incertitude a augmenté chez la jeune génération. C'est d'une part un fait regrettable, mais d'autre part, cette incertitude peut aussi être productive dans le meilleur des cas. Les changements ne naissent jamais de la satisfaction, on l'a vu aussi avec le mouvement de 68.

Le baromètre des générations montre également que l'âge souhaité chez les personnes de 50 ans est de 39 ans et de 56 ans chez les personnes de 79 ans. Être jeune n'est-il plus du tout souhaitable dans notre société ?

.

François Höpflinger : On pourrait peut-être le formuler ainsi : On veut certes être jeune, mais on ne veut pas être jeune. Le fait que de plus en plus de personnes se sentent jeunes est une évolution récente d'un point de vue historique. D'après mon expérience des projets intergénérationnels, cela conduit parfois aussi à des conflits, car aucune des personnes impliquées ne veut s'avouer vieille.

En tant que sociologue, vous avez consacré votre vie à la recherche sur les générations. Qu'est-ce qui vous a sauté aux yeux en étudiant le baromètre des générations?

François Höpflinger : Les participants ont répondu aux questions selon différentes perspectives de phases de vie - et cela est souvent sous-estimé. Il ne s'agit pas seulement d'être jeune ou vieux, mais aussi de savoir si l'on a encore les enfants et la carrière devant soi ou déjà derrière soi. La perspective d'une femme de 24 ans peut changer brusquement si elle devient mère, alors qu'elle peut encore être considérée comme faisant partie de la jeune génération.

De quoi parlons-nous en fait quand nous parlons de générations?

.

François Höpflinger : Dans la science, nous faisons la distinction entre les relations familiales et les relations sociales. Pour les relations familiales entre générations, la classification est claire : on parle d'enfants, de parents, de grands-parents et d'arrière-grands-parents. Au niveau de la société et de la politique sociale, c'est un peu plus compliqué. Ici, la notion de génération est souvent utilisée de manière un peu arbitraire. Des étiquettes telles que baby-boomers, génération X ou Y conduisent à surévaluer les différences entre les générations et à sous-estimer celles au sein d'une même génération. Au cours des 50 dernières années, il y a eu près de 50 étiquettes de génération différentes : il a été question de la génération perdue, de la génération sans père, de la génération rebelle ou de la génération pragmatique. Ces attributions sont principalement dues à l'intérêt des médias. Elles ne contribuent pas à objectiver le débat - mais elles le rendent plus vivant.

Il est cependant indéniable que l'époque dans laquelle on grandit est déterminante pour la vie.

François Höpflinger : C'est vrai, mais c'est sans doute moins vrai aujourd'hui qu'hier, car nous avons aujourd'hui plus de possibilités et pouvons nous "réinventer" au cours de notre vie - si nous le voulons seulement. Mais il y a en tout cas des expériences générationnelles marquantes. Prenons l'exemple de la pandémie de Corona : même si les retraités se sentent plus défavorisés, c'est surtout la jeune génération qui en est durablement marquée. Les conséquences économiques et les perspectives qui en découlent sur le marché du travail la préoccuperont encore pendant de nombreuses années. Mais en même temps, nous vivons de plus en plus dans une société de multigénération.

Qu'entendez-vous par là?

François Höpflinger : Cela signifie que l'on peut se sentir appartenir simultanément à différentes générations dans différents domaines de la vie. Il y a de jeunes adultes qui fondent une famille et sont des parents responsables pendant la journée, mais qui continuent à se déplacer dans la vie nocturne comme des adolescents. Ou encore des personnes de 65 ans qui ont hérité d'une maison et qui, en tant que propriétaires, défendent des positions conservatrices en matière d'aménagement du territoire, mais qui, sur les questions de politique sociale, fonctionnent plutôt comme des trentenaires.

Il est temps de se débarrasser des attributions générationnelles de la société, car dans notre monde individualisé, elles ne peuvent plus rien dire sur un groupe de personnes?

.

François Höpflinger : Nous ne devons pas nous en détacher, mais nous devons être clairs sur ce dont nous parlons lorsque nous parlons de générations. Parlons-nous de relations familiales, d'empreintes historiques ou de perspectives de vie différentes ? De mon point de vue, on pourrait renoncer à la notion de génération si nous parlions de contrat social et politique entre les générations.

Pourquoi?

François Höpflinger : Parce qu'il ne s'agit pas d'un contrat de génération, mais d'un processus de transfert financier des actifs vers les retraités : ceux qui sont actifs aujourd'hui cotisent pour ceux qui sont retraités. La notion de contrat de génération remonte au 18e siècle, lorsque l'on consignait méticuleusement au sein de la famille les biens et les denrées alimentaires auxquels la génération la plus âgée de la ferme avait droit au soir de sa vie. Transposée à la société, cette approche n'est toutefois plus viable, car nous avons un bilan générationnel négatif : Comme nous vivons de plus en plus vieux, de moins en moins de personnes cotisent pour de plus en plus de bénéficiaires. Actuellement, la génération plus âgée en profite au détriment des plus jeunes. Si nous voulons maintenir ce système, les jeunes doivent cotiser davantage, travailler plus longtemps ou s'attendre à recevoir plus tard une rente plus faible. Comme pour le changement climatique, le déficit de la prévoyance vieillesse se fait au détriment des générations futures - y compris celles qui ne sont pas encore nées.

Vous dites que le vieillissement de la société nécessite une réforme de la prévoyance vieillesse. Quels sont les autres défis que l'ère de la longévité pose à la cohabitation entre les générations?

François Höpflinger : Comme nous vivons de plus en plus longtemps, et en meilleure santé, nous ne pourrons sans doute pas éviter d'investir dans l'apprentissage tout au long de la vie, en plus d'un relèvement de l'âge de la retraite. Cela signifie également que les personnes âgées doivent rester au courant de la manière dont les jeunes travaillent.

Comment y parvenir?

François Höpflinger : Une approche prometteuse s'appelle le "reverse mentoring" : traditionnellement, nous comprenons le mentoring comme un processus dans lequel une personne expérimentée accompagne une personne inexpérimentée et l'aide en lui donnant des conseils tirés de sa propre pratique. Dans le "reverse mentoring", les rôles sont inversés. J'ai accompagné un projet pilote de ce type, dans lequel des cadres plus âgés ont effectué un stage de quatre semaines dans une start-up. Les plus âgés ont souvent été socialisés par des processus de direction dans l'armée, mais les jeunes start-ups travaillent de manière totalement différente : elles pensent en termes de hiérarchies plates et les financent par crowdfunding. Les baby-boomers ont souvent encore une vision linéaire de la carrière, beaucoup d'entre eux ont travaillé toute leur vie dans la même entreprise. Face à eux se trouvent les générations Y et Z, pour lesquelles il est souvent clair que le premier employeur n'est pas le dernier - et qu'une excellente formation ne garantit plus une bonne carrière. Il est intéressant de noter que les travailleurs plus âgés se considèrent souvent aussi innovants que les jeunes, mais ne réussissent pas le test de la pratique.

Comment briser l'attitude des personnes plus âgées, à l'esprit plus traditionnel?

François Höpflinger : Cela ne doit pas du tout être l'objectif. Il est bien plus important de reconnaître les différences entre les générations et de puiser une nouvelle force dans ces différences. Une bonne gestion des générations dans les entreprises est une gestion de la diversité.

Comment évaluez-vous le fait qu'en raison de l'évolution démographique, il y aura de plus en plus de personnes âgées capables d'outrepasser une minorité plus jeune?

François Höpflinger : C'est un fait que les moins de 25 ans sont fortement sous-représentés politiquement en Suisse. Il peut être dangereux que la génération plus âgée ne s'adapte pas aux nouveaux développements et bloque ainsi des réformes dont les jeunes générations sont les premières bénéficiaires. Mais heureusement, nous vivons dans un pays avec une société civile forte, de sorte qu'il est possible de faire bouger les choses indépendamment de la majorité en place. Et les générations plus âgées sont également sensibilisées à d'autres modes de vie par le biais de leurs petits-enfants. Et puis, il y a toujours des alliances entre jeunes et vieux : l'exemple le plus récent est celui de ce que l'on appelle la jeunesse climatique qui s'engage avec les seniors climatiques.

L'abaissement de l'âge du droit de vote de 18 à 16 ans a été approuvé par le Conseil national en 2020, ce qui permettrait de corriger quelque peu le déséquilibre. Mais cette idée n'a trouvé de majorité dans aucun groupe d'âge dans le baromètre des générations, pas même chez les 18-24 ans. Avez-vous une explication à cela?

François Höpflinger : Ce résultat du baromètre des générations m'a également étonné. Peut-être que les jeunes de 18 ans ont l'impression que même à 16 ans, on n'aurait pas été assez mûr. Peut-être est-ce aussi l'expression du fait que les attitudes des jeunes générations sont devenues plus traditionnelles et pragmatiques et que les anciens sont devenus plus progressistes dans de nombreux domaines. Cela montre qu'il n'y a pas de clivage politique clair entre les jeunes et les vieux, les progressistes et les conservateurs.

On entend souvent dire que les questions générationnelles n'ont pas de lobby politique dans la Berne fédérale. Pourquoi en est-il ainsi ?

Les questions générationnelles sont des thèmes sociaux transversaux. La politique des générations est une politique financière, une politique sociale, une politique climatique et une politique du logement. Ce qui fait que nous avons une Pro Juventute, une Pro Senectute et une Pro Familia, mais pas de Pro Générations. Il y a beaucoup de projets et d'initiatives intéressants qui s'engagent pour les questions de générations, mais aucune organisation qui réunisse ces intérêts. Sauf la Maison des générations de Berne, bien sûr (rires).

François Höpflinger est professeur titulaire émérite de sociologie à l'université de Zurich. Il a mené des recherches sur les questions liées à l'âge et aux générations pendant des décennies et est notamment membre du comité directeur du Centre de gérontologie. Il est l'auteur de nombreuses études et publications sur le thème de la vieillesse, comme "Die Babyboomer. Une génération révolutionne la vieillesse" (2009) ou le "Age Report", dont la quatrième édition est parue en 2019.

Baromètre des générations 2020

Qu'est-ce qui motive les jeunes et les vieux ? Avec le baromètre des générations 2020, la Maison des générations de Berne a réalisé pour la première fois, en collaboration avec l'institut de recherche sotomo, une étude représentative de la situation des générations. Il prend le pouls de la population suisse et veut stimuler un dialogue social sur les relations intergénérationnelles porteuses d'avenir. Pour le "Baromètre des générations 2020", 3285 personnes de toute la Suisse ont été interrogées en septembre 2020. Les résultats ont été publiés début novembre 2020. 

Laisser un commentaire

S'inscrire maintenant ou créer un profil

Inscription Créer un profil